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assistante maternelle

  • " Cents professions" par Jean Epstein

    Cents professions ! par Jean EPSTEIN (pour AssMatMag – Oct 2008)

    -"Qu’est-ce que vous faites, comme métier ? "

    Martine répond :

    -"Je suis assistante maternelle"

    … un instant de silence. …

    -"C’est vraiment un métier, ça ? Vous êtes payée pour rester chez vous toute la journée et jouer avec les enfants ! Vous en avez de la chance ! "

     

    Martine est assistante maternelle depuis presque 20 ans, alors c’est vrai que cette sorte de phrase, elle l’a entendue très souvent ! Et même aujourd’hui, bien que l’image de son métier évolue vite et dans le bon sens, elle sait qu’elle risque encore, de temps à autre, d’être confrontée à des interlocuteurs qui ont du mal à reconnaître son indispensable professionnalisme.
    Pourtant, elle et ses consœurs, que certains s’autorisent à considérer comme « sans profession » pourraient légitimement revendiquer d’exercer « cent professions » au cours d’une même journée !

    A titre d’exemple, faisons-en un rapide survol.

    1 métier, 100 professions, Assistante Maternelle

    Femme de ménage, lingère, cuisinière … et ludothécaire

     

    Comme tous les matins, quand les parents et les enfants entrent chez Martine, la maison va devoir être « nickel ». La veille au soir, après sa journée de travail, elle aura tout préparé en étant successivement femme de ménage, lingère, cuisinière et ludothécaire. En effet, il lui aura fallu ranger les jouets du jour pour préparer ceux du lendemain, à la fois pour varier les plaisirs et parce que ce ne seront pas forcément les mêmes enfants qui viendront.
    Ensuite, après une nuit de repos, le réveil pourra sonner. Aussitôt, elle sautera du lit et veillera à la bonne mise en route de sa propre famille (petits déjeuners, préparations en tous genres … heureusement que, maintenant, sa fille est grande et va à la fac).

    Hôtesse d’accueil, animatrice … voire éducatrice, institutrice

     

    Une fois tout cela terminé, elle s’apprêtera à devenir hôtesse d’accueil. Dès l’arrivée des loupiots, elle affichera un grand sourire, prendra des nouvelles auprès du papa ou de la maman pour savoir si tout va bien, leur souhaitera une bonne journée et les rassurera sur celle que leur gamin va passer avec elle (ce qui ne sera pas toujours facile si les parents ressentent une quelconque angoisse qu’il va falloir désamorcer !).
    Et puis, la porte va se refermer. Les trois enfants que Martine accueille seront arrivés. Il y a Enzo, une bébé de 6 mois, et deux « grands » : Gwénola, qui vient d’avoir 2 ans et Hugo qui ne va pas tarder à les avoir.

    Enzo a mal dormi. Elle va le laisser se reposer en l’installant confortablement dans un coin calme de la salle de séjour, de manière à le surveiller pendant qu’avec ses deux co-équipiers, elle devient animatrice. En effet, quelle meilleure solution que de commencer par jouer avec eux pour leur permettre d’atterrir et de s’installer en toute confiance ? Ça pourra prendre une demi-heure, une heure, parfois plus si l’un des loupiots est particulièrement énervé ce jour-là.
    Si c’est la cas, elle sortira peut-être un livre et deviendra conteuse. Ça tombe bien, elle adore ce métier et, à plusieurs reprises au cours de la journée, se servira d’une histoire pour aider les enfants à bien vivre les transitions entre un moment et un autre (aller au lit, attendre le retour de papa ou de maman …).
    Entre-temps, elle sera sans doute devenue éducatrice, voire institutrice en leur proposant des activités multiples : peinture, collage, musique, puzzle …
    Quand une bonne dynamique se sera installée entre les trois enfants, elle pourra enfiler son costume de cuisinière. Bien sûr, c’est une « pro » : vu qu’elle ne veut pas emmener les enfants faire les « grosses courses » (c’est son choix) elle a tout acheté le samedi et prépare quotidiennement des plats mijotés maison. Ainsi, elle n’ira, si nécessaire, que faire les « petites courses » avec les enfants pour acheter quelques produits frais de dernière minute.

     

    Gestionnaire, diététicienne, professeur de cuisine …

     

    Elle se montre donc gestionnaire du stock de la cuisine mais, tout en préparant le repas de midi (et en gardant un œil sur les enfants qui jouent pas loin d’elle), elle va également devenir diététicienne et professeur de cuisine : elle expliquera à Gwénola et à Hugo ce qu’ils vont manger, leur montrera comment ça se prépare, combien de temps ça cuit, confectionnera avec eux des yaourts dans sa yaourtière, peut-être même du pain, dans sa machine à pain toute neuve …
    Et la maison, peu à peu, se remplira d’odeurs ! Ces bonnes odeurs dégagées des menus que prépare Martine, à sa manière, et qui vont s’inscrire pour toujours dans la mémoire des trois loupiots.
    Voici enfin arrivé le temps du repas. C’est un grand moment à partager ensemble mais, là, les choses vont encore un peu se compliquer. Car Enzo, après avoir dormi une grande partie de la matinée est maintenant bien réveillé, bourré d’énergie et réclame son biberon en riant à tue-tête !

    Psychologue, diplomate …

     

    Pour satisfaire au plus vite sa demande avec toute l’attention que nécessite le fait de donner un biberon à un tout-petit, elle va donc devoir commencer par être une psychologue persuasive en expliquant aux deux grands qu’ils vont devoir attendre qu’Enzo ait fini de manger pour qu’elle s’occupe d’eux. Opération réussie ! Ensuite, une fois qu’ils seront servis à leur tour, le calme pourra de nouveau s’installer … surtout s’ils ont réussi à bien comprendre qu’il fallait consommer e qui était dans sa propre assiette et ne pas piquer les victuailles dans celle de l’autre, qu’il convenait d’avoir terminé son repas (et que les autres aient également fini de leur) pour se lever de table et retourner jouer après s’être lavé les mains, etc. Enfin, une foule de trucs pas si simples à faire intégrer qui, une fois encore, nécessitera de sa part bon nombre de talents dans les domaines de l’autorité et de la diplomatie.
    Pour la vaisselle, on verra plus tard. Ce sera pendant la sieste des enfants. Moment idéal pour que Martine, plus tranquille, puisse ré-enfiler son costume de femme de ménage afin que la maison soit en bon état à leur réveil.

     

    Monitrice de sécurité routière, juge, avocat …

     

    Tout à l’heure, s’il fait beau, ce sera le moment d’aller faire un tour au square. Pouvoir gambader ça va les mettre en forme ! Ça y est, les enfants sont prêts !
    Enzo est calé dans sa poussette, Gwénola et Hugo blottis aux côtés de Martine et, là, elle va de nouveau changer de métier. Sa nouvelle profession : monitrice de sécurité routière.
    En chemin, elle va tout leur expliquer : qu’on ne doit pas courir dans la rue, qu’il faut faire attention aux sorties de garage, attendre que le petit bonhomme vert soit allumé pour traverser, bien regarder à droite et à gauche avant de descendre du trottoir, etc…

    Une fois arrivés au square, sa vie va paraître plus détendue, mais, hélas, ça ne va pas durer longtemps. A peine sera t-elle assise à l’ombre avec Enzo sur les genoux que les deux grands vont partir en trombe jouer à travers les bosquets ! Elle en verra un, mais plus l’autre! Oh là là, ils sont où ? Elle vient de devenir surveillante, à la fois attentive au tout-petit serré contre elle, mais aux aguets, avec des yeux en gyrophares qui scrutent en permanence les moindres recoins du jardin pour s’assurer que les deux gamins sont toujours là.
    Soudain, les voici qui arrivent en se tenant la main. Hugo pleure à grosses larmes : ll s’est fait voler son seau par l’autre garçon, là-bas ! Aussitôt, Martine, flanquée du petit, va intervenir dans l’affaire en étant à la fois juge et avocate. Avocate pour plaider la cause d’Hugo et qu’il se sente protégé, mais quand même juge de façon à récupérer l’objet du délit et éviter que l’autre loupiot ne recommence !
    Une fois le conflit réglé, elle prendra aussi quelques minutes pour être pédagogue et expliquer aux gamins qu’il faut savoir partager ses jeux, prêter ses jouets, tout en acceptant que les autres aient des choses à eux, qui ne nous appartiennent pas. Pas facile à comprendre !

     

    Infirmière, herboriste …

     

    Ainsi, au gré des événements, le temps au square va passer très vite, d’autant qu’elle aura été appelée là encore, vers de nombreuses tâches, de nombreux métiers : Hugo a glissé en courant. Il s’est fait une petite plaie au genou droit en tombant. Grâce à la trousse à pharmacie qu’elle promène toujours au fond de son sac, elle va devenir infirmière et soigner son bobo.
    Gwénola adore les fleurs et les feuilles qui tombent des arbres. Elle en ramasse plein et les confie une à une à Martine pour sa collection. Tout à l’heure, une fois rentrés à al maison, elle deviendra herboriste en les faisant sécher entre des pages de journal.
    D’ailleurs, il faut repartir tout de suite, les parents des petits ne vont pas tarder à rentrer du travail.

    Conseillère parentale, confidente, comptable et juriste …

     

    Dans peu de temps, elle leur racontera le menu de la journée et se montrera prête, disponible pour répondre à certaines questions qu’il se posent, elle sera peut-être appelée à devenir conseillère parentale et même, parfois, confidente ?
    D’autres soirs, elle sera obligée, avec tact et diplomatie, de jouer le rôle de… « videuse », si certains parents se sentent tellement bien chez elle qu’ils n’arrivent plus à en partir !
    Enfin, quand la porte se refermera pour la dernière fois, elle pourra enfin se poser quelques minutes, tout en pensant aux autres métiers qu’elle risque d’avoir à exercer au cours du prochain week-end, à savoir : comptable et juriste, pour s’occuper de ses contrats de travail, de ses salaires, de ses congés…
    Pour l’heure, il est 19 h 15, elle commence à se détendre. La journée a été bien remplie !
    Mais elle entend la clé tourner dans la serrure et la porte s’ouvrir ! Il fulmine contre les transports toujours en retard, contre les dossiers à finir à la dernière minute .. Après lui avoir lancé un rapide « bonjour » en enlevant son manteau, il lui dit « tu te rends compte, je n’ai même pas eu le temps de déjeuner à midi, tellement on a eu de boulot ! J’ai une faim de loup, on mange dans combien de temps ? » Alors, si, à l’école, les enfants des assistantes maternelles doivent remplir une fiche sur laquelle est marquée : profession de la mère, il faut leur conseiller de répondre sans hésitation : « Cent professions » cela n’aura rien de mensonger !

    Crédits : Assistante Maternelle Magazine – n°50 – Octobre 2008
    Rubrique : Sens & Bon Sens par Jean Epstein, Psychosociologue & Kinésithérapeute

    Cet article a été publié par Assistante Maternelle Magazine en Octobre 2008, sous la plume de Jean Epstein avec l’amicale complicité de Sylvie Pereira, Assistante Maternelle.

  • Revue de presse: Madame le Figaro

    20 janvier 2014

    Mieux vaut une nounou aimante
    qu'une crèche impersonnelle

    Alors qu’il manque 500 000 places en crèche, des légions de parents avouent se rabattre « faute de mieux » vers des assistantes maternelles ou des nounous. Un « choix par défaut » qui désole nos spécialistes de la petite enfance, convaincus que le lien qui se tisse avec nos bambins importe plus que la nature de la structure d’accueil.

    « Quand nous avons emménagé à Paris, notre fille avait 18 mois. Notre première mission a été de lui chercher un mode de garde », raconte Rodolphe, 39 ans. En attendant de trouver une solution, le couple écume les parcs pour occuper sa progéniture. « Nous côtoyions quasi exclusivement des nounous. Certaines s’occupaient bien des petits, mais d’autres se retrouvaient là pour papoter entre elles, se souvenant de l’existence des enfants uniquement quand ils pleuraient trop fort ! C’était consternant. » D’autant plus que, jusque-là, la fille de Rodolphe était gardée par une nounou en qui il plaçait toute sa confiance. « Le problème de Paris, explique-t-il, c’est l’anonymat. En province, la réputation des professionnels les précède. Ici, personne ne se connaît et le manque de place oblige parfois à être peu regardant, surtout quand on arrive en cours d’année. Du coup, j’ai été vraiment soulagé quand nous avons obtenu une place en crèche. J’ai l’impression que le personnel est mieux qualifié et plus contrôlé. »

    Des figures d'attachement très importantes

    Un témoignage qui, s’il ne l’étonne pas, désole le psychosociologue Jean Epstein. « La plupart des parents sont persuadés que le summum de la structure d’accueil est la crèche collective. Ils se rabattent sur les assistantes maternelles en dernier recours. Il faut absolument tordre le coup à ce fantasme ! », insiste l’auteur d’Assistantes maternelles : un monde extraordinaire (1). À écouter ce spécialiste, les nounous ne devraient jamais être vues comme « un choix par défaut » car ce qui se joue entre elles et l’enfant est capital.
    Partageant ce point de vue, la psychothérapeute Isabelle Filliozat (2) confirme : « Le cerveau de nos bambins se construit dans l’interaction avec d’autres humains. Les assistantes maternelles et auxiliaires parentales représentent des figures d’attachement très importantes du fait de leur présence. » D’où l’importance de trouver la nounou idoine.

    Apprendre à défusionner d’avec maman

    Soucieuses de tranquilliser les parents effrayés à l’idée de tomber sur Tatie Danielle, des agences de plus en plus spécialisées proposent leurs (coûteux) services pour caster Mary Poppins. Voire la fabriquer. Formations en tous genres, mallettes créatives, livres d’activités…, ces structures ne lésinent pas sur les moyens pour offrir à leur clientèle la perle rare qui s’adaptera à toutes leurs exigences. Dernière lubie à la mode : la nanny bilingue. Si ce service quatre-étoiles a été boudé dans un premiers temps, il cartonne depuis deux ans. « La demande a été multipliée par cinq ! Pour y répondre, nous travaillons avec plus de 500 salariés », se réjouit Antoine Gentil, co-fondateur deSpeaking-agency. Sur ce même créneau de la garde haut de gamme, Lucinda de Cicco a fondéBaby Prestige. Son crédo : offrir à bébé « le meilleur, tout simplement ». Cette simplicité a un coût que la psychologue de formation ne nie pas. « Mes clients sont aisés. Les prix que je pratique sont adaptés aux prestations proposées : assistantes maternelles triées sur le volet, flexibilité et disponibilité 24 heures sur 24. »

    Les parents qui n’ont pas les moyens de faire appel à ces nouveaux chasseurs de tête sont-ils condamnés à embaucher des aides qui ne sont ni bilingues, ni formées aux activités censées booster la créativité de Junior ? Sans doute. Mais à écouter nos spécialistes, c’est loin d’être un problème. « Tout ça, c’est du gadget », répond Jean Epstein, persuadé que l’essentiel pour nos têtes blondes est d’être gardé par une personne avec qui « la mayonnaise prend bien ».

    Les bébés ont besoin d'attachement

    « Durant ses trois premières années, le boulot d’un enfant, c’est de prendre confiance en lui et dans les personnes qui s’occupent de lui, et, ce, afin d’apprendre à défusionner d’avec maman. Ni plus, ni moins », précise-t-il. Même son de cloche du côté d’Isabelle Filliozat selon laquelle une bonne assistante maternelle doit interagir avec le bébé, être chaleureuse et aimante. Point final. « Je suis effarée de voir qu’on enseigne encore à ces professionnelles de ne pas s’attacher ! Cette consigne va à l’encontre de toutes les études scientifiques qui montrent que les bébés ont besoin d’attachement », martèle l’auteure du bestseller, Au cœur des émotions de l’enfant (2). Ce n’est certainement pas Élodie qui dira le contraire. Aujourd’hui maman d’une petite Flore, cette architecte dynamique a assisté à un véritable défilé de nounous durant son enfance. Devinez quoi : la seule qui l’ait profondément marquée est une « mamma »  ivoirienne qui la couvrait de câlins quand elle avait le cœur gros.

    (1) Assistantes maternelles : un monde extraordinaire. Éditions Philippe Duval (2013).
    (2) Au cœur des émotions de l’enfant, Éd. JC Lattès (1999).

    Vous pouvez retrouver cet article içi :  http://madame.lefigaro.fr/societe/mieux-vaut-ounou-aimante-quune-creche-impersonnelle-200114-663678